Planche senet : histoire, règles et symbolique de ce jeu de l’Égypte antique

Un jet de bâtonnets peut renvoyer un joueur à la case départ, même après avoir presque terminé le parcours. La découverte de planches portant des inscriptions funéraires révèle une évolution du jeu vers une dimension rituelle, loin d’un simple loisir. Les règles, transmises par fragments, laissent place à plusieurs interprétations et variantes selon les époques et les régions.

La présence systématique du Senet dans les tombes royales montre une place particulière dans les pratiques funéraires et les croyances sur l’au-delà. Un jeu qui ne se limite pas à l’amusement, mais qui traverse les siècles et les civilisations.

Le Senet, un trésor ludique de l’Égypte antique

Le senet n’a rien d’un simple passe-temps égaré dans les sables du temps. Ce jeu de société, symbole de l’Égypte ancienne, s’impose dès la Première Dynastie comme un trait d’union entre les générations, les classes sociales et les croyances. On le retrouve partout : gravé sur des plateaux de pierre, soigneusement taillé dans l’ivoire, ou encore façonné en faïence bleue. Les archéologues ont exhumé des vestiges de senet dans les tombes des puissants comme Toutânkhamon, mais aussi chez des scribes, artisans ou membres de l’élite, de Hesy-Ra à Merytetes et Snéfrou.

Bien plus qu’un jeu d’adresse, le senet a longtemps rythmé la vie quotidienne des Égyptiens, tout en s’enracinant dans leur vision de la destinée. Son apogée, le Nouvel Empire, marque un tournant : le plateau devient un outil spirituel, presque un miroir du passage vers l’au-delà. Les dernières cases, associées à la renaissance, au bonheur ou à l’éternité, en disent long sur l’évolution de sa symbolique.

L’influence du senet dépasse largement le Nil. On retrouve ses principes dans d’autres jeux antiques, backgammon, jeu royal d’Ur, et ses plateaux raffinés ornent aujourd’hui les vitrines des plus grands musées : British Museum, Louvre… Du Delta égyptien à la Nubie, de Chypre au Levant, le senet a voyagé, traversant frontières et siècles, pour finir par inspirer d’autres traditions ludiques.

Pour mieux cerner la richesse de ce jeu, voici ses principaux traits d’identité :

  • Origine : Égypte ancienne, Première Dynastie
  • Joueurs : pharaons, élites, peuple
  • Fonctions : loisir, rituel, transmission
  • Apogée : Nouvel Empire, signification religieuse accrue

Pourquoi ce jeu a-t-il traversé les millénaires ?

La planche de senet intrigue autant les archéologues que les passionnés de jeux de stratégie. Sa longévité n’a rien d’une succession de hasards : elle s’explique par la singularité du senet, qui, tout en partageant des points communs avec d’autres jeux antiques, porte la marque indélébile de l’Égypte antique. Les fouilles menées en Nubie, au Levant ou à Chypre ont mis au jour des plateaux qui témoignent de l’ampleur de sa diffusion et de son ancrage culturel.

Dans les plus grandes institutions, British Museum, Metropolitan Museum of Art, Louvre, Brooklyn Museum, ces objets sont exposés comme de véritables chefs-d’œuvre. Le senet ne s’est jamais effacé de la mémoire collective. Aujourd’hui, sa reconstitution fait collaborer archéologues, historiens, égyptologues, spécialistes des jeux et même intelligence artificielle. Tous décryptent textes religieux et vestiges archéologiques pour élucider ses règles et sa portée.

Son influence se mesure aussi à l’aune de ses héritiers : backgammon, jeu royal d’Ur, tabula… En tant que matrice des premiers jeux de société, le senet prouve que le goût du jeu, la transmission des pratiques et l’échange de savoirs n’ont pas attendu notre époque. Sa richesse symbolique, la beauté de ses plateaux, sa profondeur stratégique et sa dimension sociale expliquent la place singulière qu’il occupe encore aujourd’hui dans l’imaginaire collectif.

Règles, plateau et déroulement d’une partie de Senet

Le plateau de senet se distingue par sa structure : 30 cases réparties en 3 rangées de 10, parfois sculptées dans le bois, la pierre noire, l’ivoire ou la faïence. Chaque case porte un numéro ; les six dernières acquièrent au fil du temps une valeur symbolique majeure. De la Maison de la renaissance (case 15) à la Maison de l’éternité (case 30), le parcours proposé par le plateau évoque tout autant le calendrier lunaire que la marche d’un destin humain.

La partie oppose deux joueurs, chacun contrôlant généralement cinq ou sept pions selon les versions. Les déplacements ne se décident pas au hasard pur : ils résultent du lancer de bâtonnets plats ou d’astragales (sortes d’osselets), ancêtres du dé. Les textes antiques restent lacunaires, mais les reconstitutions suggèrent des stratégies raffinées : bloquer l’adversaire, protéger ses pièces, exploiter les cases spéciales pour accélérer sa progression ou éviter les pièges.

Plusieurs cases jouent un rôle particulier, qui change le cours du jeu :

  • La Maison des eaux (case 27) réserve une épreuve au joueur : le pion qui y atterrit risque de reculer dans sa progression.
  • La Maison des trois vérités (case 28) agit comme une phase de jugement, ultime test avant d’accéder aux dernières cases.
  • La Maison de l’éternité (case 30) symbolise la sortie victorieuse, l’atteinte d’une forme d’accomplissement.

L’objectif : être le premier à faire sortir tous ses pions du plateau. Mais chaque partie de senet va bien au-delà de l’opposition classique : elle met en scène un passage, à la fois jeu d’adresse, réflexion stratégique et cheminement initiatique à travers les embûches et les équilibres du destin.

Détail de mains jouant au senet avec carvings symboliques

Au-delà du divertissement : symbolique et héritage culturel du Senet

Le senet ne se contente pas d’occuper les loisirs des anciens Égyptiens. Dès la Première Dynastie, il acquiert une dimension religieuse profonde. Des fresques ornent les tombes, représentant pharaons et particuliers face à leur plateau, pions immobiles dans une partie qui se joue autant dans ce monde que dans l’autre. Le voyage dans l’au-delà, décrit dans le Livre des Morts, prend forme sur la planche de senet : chaque case jalonne le parcours du défunt vers l’éternité, accompagné par les figures majeures du panthéon, d’Osiris à Horus.

Utilisé lors des rites funéraires, le jeu accompagne le défunt comme un viatique. Le plateau devient alors support de méditation, objet de divination, voire instrument médical, certains exemplaires servent à broyer des substances ophtalmologiques. À l’époque romaine, son usage évolue encore, preuve de la formidable capacité d’adaptation de cet objet aux croyances et habitudes de chaque époque.

L’héritage du senet s’étend bien au-delà des frontières de l’Égypte. Exporté en Nubie, au Levant, jusqu’à Chypre, il inspire de nouvelles traditions. Aujourd’hui, il s’expose dans les plus grands musées, British Museum, Louvre, Metropolitan Museum of Art, et continue d’alimenter l’imaginaire contemporain, des jeux vidéo aux romans historiques en passant par les reconstitutions. Archéologues et égyptologues scrutent encore ses règles, cherchant à saisir ce qui, dans ce simple plateau, éclaire à la fois la vie quotidienne et la profondeur spirituelle de l’Égypte antique.

Au fil des siècles, le senet n’a cessé de franchir les frontières, de se transformer, de fasciner. Il reste ce témoin silencieux d’un monde où le jeu, loin d’être anodin, dialogue avec la destinée et l’éternité.